lunes, 5 de abril de 2010

Historia: Franquismo. Texto. La llegada de Franco al poder.

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Lean el siguiente texto sobre la llegada al poder de Francisco Franco en los primeros meses de la guerra civil. El texto es un extracto de La guerre d'Espagne de Guy Hermet (Éditions du Seuil, 1989, pp. 168-176):

Même si le nom du général Franco se confond avec le souvenir de la guerre civile dont il sort vainqueur, plus de deux mois s'écoulent entre le début de cette guerre et le moment où il prend le pouvoir pour trente-neuf années. Le futur Caudillo ne compte pas parmi les instigateurs principaux de cette lutte fratricide. Il sauve ses collègues insurgés d'un enlisement qui aurait pu leur être fatal, pour mieux s'imposer ensuite comme leur arbitre providentiel. Soulevés contre les autorités républicaines depuis le 18 juillet, les militaires espagnols restent toujours sans chef véritable quand s'achève l'été de 1936. Et c'est seuelement le 1er octobre que l'Espagne nationale s'en découvre un, en apprenant que "Don Francisco Franco a été nommé chef du gouvernement de l'État espagnol". Au vrai, la nouvelle ne surprend guère. Mais bien peu savent alors qu'elle est le fruit d'une sorte de coup d'État au sein même de l'armée factieuse.

Cuadro propagndístico de Francisco Franco, presentado en su uniforme de Generalísimo. Al fondo, alegoría del pueblo español.

Franco a quarante-quatre ans. Né le 3 décembre 1892 au Ferrol, grande base militaire de la côte atlantique, sa vocation de marin s'est trouvée contrariée par la suspension provisioire des concours de l'École navale. C'est par pis-aller qu'il entre à seize ans à l'Académie militaire de Tolède, pour en sortir comme sous-lieutenant en 1910. Il fuit presque aussitôt la grisaille des garnisons péninsulaires pour rejoindre les troupes du Maroc. En dépit de sa petite taille et de son allure peu martiale, le baroud lui convient et ne ménage guère la vie de ses hommes. Capitaine en 1915, commandant l'année suivante à l'âge de vingt-quatre ans, il se fait vite un nom en Afrique, où es forces espagnoles s'efforcent, non sans peine, de contrôler la zone du protectorat marocain qui leur a été allouée par le traité d'Algésiras. Chargé en 1920 de former les nouvelles unités de Légion étrangère que le gouvernement vient de créer, il en fai en quelques mois le fer de lance des troupes qui combattent dans le Rif. Promu colonel en 1925 et général de brigade l'année suivante, à l'âge de trente-quatre ans, il est dès lors considéré dans son pays comme une sorte de Bonaparte pour campagnes coloniales. En 1923, il a tout juste trouvé le temps d'épouser Carmen Polo, fille d'une famille riche et distinguée des Asturies.

Franco realizando el saludo fascista junto a Hitler en Hendaya. 1940

Cette réussite apparente comporte pourtant un revers. Le jeune général est un parvenu même si le roi le nomme à la tête de l'Académie de Tolède à son retour du Maroc. Issu d'une famille d'officiers de marine sans mérite particulier, Franco n'appartient pas à l'aristrocatie militaire. Il doit son avancement rapide et jalousé à se seules qualités sur le terrain et aux risques qu'il a pris pendant l'interminable campagne du Maroc à la tête de ses soldats indigènes puis de ses légionnaires. Officier de l'arme vulgaire qu'est l'infanterie, il s'impose à ses pairs de spécialités plus savantes plutôt qu'il n'est accepté par eux. C'est à peine s'il est accepté par une belle-famille, qui a hésité six ans avant de l'admettre en son sein. Dur pour lui-même comme il l'est pur ses hommes, Franco assouvit son ambition presonnelle à la force du poignet. Il n'est pas un personnage sympathique dans l'armée, si ce n'est auprès de certains jeunes officiers avides de galons à qui il sert de modèle. Jusqu'à la guerre civile, il se trouve desservi en outre par la popularité politique de son frère Ramon. Officier d'aviation aux idées avancées, héros de la première traversée aérienne transatlantique à partir de l'Espagne, Ramón Franco es l'un des rares républicains de la caste militaire. Il n'hésite pas à s'engager dès 1930 dans une conjuration antimonarchique dont l'issue malheureuse renforce en fait sa popularité. Lorsqu'on parle avant 1933-1934 des projets politiques de Franco, l'on pense à ceux de Ramon plutôt qu'aux desseins de son frère le général d'infanterie.

Franco bajo palio en una celebración religiosa

Mais l'inconsistance du profil politique du général Franco va précisement le servir avant et après le soulèvement du 18 juillet 1936. Il est demeuré un peu à l'écart du complot permanent de certains de ses collègues jusque dans les dernières semaines précédant la rébellion. Réputé monarchiste, il a su aussi se tenir éloigné des clans de l'extrême droite civile entre 1931 et 1936. Cette prudence lui a permis de poursuivre son ascension hiérarchique à un rythme à peine moins météorique jusqu'au poste de chef de l'état-major général. Elle l'autorise, également, à se poser en sage parmi ses collègues généraux qui font appel à lui pour arbitrer leurs divisions. D'ailleurs, son éloignement du commandement militaire des Canaries par le gouvernement du Front populaire le protège dans une sorte de tour d'ivoire tout en le posant en victime. N'était sa modération opposée à tout aventurisme, il pourrait prendre figure de légalisme contraint à la révolte par l'impuissance du gouvernement républicain. À la veille des élections de février 1936, il pousse ce légalisme jusqu'à songer à se présenter comme candidat à la députation sous l'étiquette de la CEDA. Plus tard, il se rallie finalement au complot, c'est pour assumer le commandement des forces insurgées du Maroc, non comme membre du directoire militaire central dont ses collègues l'excluent d'abord. Il faut que surviennent la mort accidentelle du général Sanjurjo, puis l'arrestation à Barcelone de son second, le général Goded, pour que les visées de Franco se manifestent plus clairement et qu'il apparaisse dans le même temps comme l'arbitre des querelles de la Junte de défense nationale.

Franco junto a su cuñado y ministro de exteriores Serrano Suñer y Mussolini en Bordighera. 1941

La dureté caractéristique du général se transpose alors de la pratique militaire à celle de la conquête puis de l'exercice du pouvoir. Espagnol taciturne, distant et atypique, combinant le style spartiate avec le goût de la pompe royale, considérant que la fin justifie les moyens et que son patriotisme se confond avec l'accomplissement de son destin personnel, le futur Caudillo va droit vers son but: la domination définitive des rouages d'un régime dont il fera sa chose. Bernant les monarchistes qui découvrent un peu tard son refus d'assurer le retour du roi, domestiquant la Phalange dont il arrêtera les leaders, obtenant finalement par d'habiles pressions l'appui de l'Église un temps réticente, Franco divise pour régner en opposant les factions conservatrices rivales.


Franco junto a Millán Astray, fundador de la Legión

En septembre 1936, Mola ne peut de son côté devenir la cheville ouvrière du nouvel Ètat à construire. Il passe pour un agnostique aux yeux des catholiques. De même, ses collègues monarchistes le honnissent depuis des années. Directeur général de la sûreté lors de la chute d'Alphonse XIII, il a en somme trahi le roi en 1931. En outre, il a eu l'impudence de parler de "dictature républicaine" dans les instructions qu'il a envoyées aux conjurés. Mais il est vrai que Franco effraie aussi pour de multiples raisons. Ausi nombreux que les royalistes, les généraux fascisants ou partisans d'une République conservatrice le soupçonnent d'oeuvrer au retour du souverain exilé en Italie. Tous, monarchistes aussi bien qu'antimonarchistes, le redoutent en vertu de l'étendue même de son prestige professionnel et social. Jeune quadragéneaire souriant arrivé déjà au grade de général de division, Franco apparaît comme l'unique "gagneur" d'une armée espagnole qu'il a guérie du défaitisme pendant la campagne du Maroc. Face à ses homologues bien souvent chenus et courtelinesques, il a trop visiblement l'air d'un ambitieux prêt à délaisser l'aventure coloniale au profit de la politique nationale.
Le commandement de l'armée d'Afrique lui fournit toutefois une carte maîtresse. Les membres de la Junte de Burgos en conviennent en l'invitant à se joindre à eux au milieu du mois d'août. Mais afin d'équilibrer cet élargissement, ils adjoignent les généraux Orgaz et Queipo de Llano au cours des semaines suivantes. La Junte devenue Comité de défense nationale compte dès lors dix officiers: trois royalistes avérés, deux antimonarchistes et cinq personnalités militaires aux préférences politiques incertaines. Franco se range dans cette dernière catégorie. Il ne s'est rallié à la conjuration qu'au dernier moment. Après avoir franchi le Rubicon, il a conclu son manifeste du 18 juillet 1936 par la devise "Liberté, Fraternité, Égalité". De plus, il a récidivé dans le même sens le 22, en déclarant que le mouvement auquel il participait était "national, espagnol, républicain". Mais le 15 août, il a fait hisser à Séville le vieux drapeau de la monarchie proscrit par la République, sous les vivats de la foule conservatrice déjà subjuguée par son charisme personnel...
Appréciant le geste, les monarchistes misent désormais sur lui. Le général Kindelan, qui les représente dans l'armée, s'emploie, à partir de ce moment, à convaincre ses collègues de ce qu'il est urgent de désigner un commandant en chef. Dans le même temps, il fait apparaître à Franco qu'il est le plus qualifié pour exercer cette fonction. Mais ce dernier joue les modestes, invoquant ses responsabilités immédiates dans la direction du front méridional. Sur le fond, le président de la Junte -le général Cabanellas- escompte sans doute que la désignation d'un généralissime permetrait précisément d'écarter Franco de façon ostensible. C'est dans ce but qu'il convoque pour le 12 septembre une réunion des principaux  responsables militaires.

De izquierda a derecha, el general Cabanellas, el general Franco y el general Queipo de Llano

Les dix généraux et les deux colonels convoqués se retrouvent à l'aérodrome improvisé de San Fernando, près de Salamanque. L'ordre du jour établi par Cabanellas ne concerne que le principe d'un commandement en chef, non le choix de celui qui pourrait l'assumer. Franco présent, la discussion s'enlise pendant la matinée. Mais le déjeuner porte conseil et le coup de théâtre se produit à la reprise de l'après-midi. Mola déclare: "Si, d'ici à huit jours, un généralissime n'a pas été désigné, j'abandonne". Cabanellas tente de résister jusqu'à l'instant où Kindelan lui rétorque: "Vous avez raison, une guerre peut être menée de deux façons: par un généralissime ou par un directoire. Par la première, on gagne; par la seconde, on perd".
L'idée d'un commandement suprême est alors approuvée à l'unanimité à la seule exception du président de la Junte, le général Cabanellas. De plus, on passe aussitôt du principe à son application: c'est-à-dire au choix du généralissime. Kindelan presse le mouvement et propose Franco. Celui-ci affecte toujours d'hésiter, avant d'esquisser l'assentiment quand Mola et Orgaz approuvent le choix de sa personne avec chaleur. Cabanellas s'étant abstenu, on convient toutefois que la nomination demeurera secrète jusqu'à la prochaine réunion formelle de la Junte. C'est à celle-ci qu'il appartient de prendre la décision officielle et de définir les attributions du généralissime. En fait, le sentiment est de n'offrir à Franco qu'une victoire à la Pyrrhus qui le cantonnerait dans des responsabilités strictement militaires. Telle est, sans doute, la raison cachée du ralliement de Mola à cette formule.

Los generales Franco y Mola


Chacun fourbit ses atouts au cours de semaines suivantes. Mola s'empare de Saint-Sébastien mais le clan franquiste fait mieux. Franco lui-même réussit le coup d'éclat le plus spectaculaire de la guerre civile. Choisissant de retarder l'issue des opérations militaires pour longtemps, il stoppe l'avance sur Madrid et dévie son armée sur Tolède. Dans ce lieu historique, les élèves de l'école militaire se trouvent assiégés par les miliciens républicains depuis près de dix semaines. Manquant de tout, bombardés chaque jour, les "cadets de l'Alcazar" comandés par le vieux colonel Moscardo témoignent d'un héroïsme qui fascine l'Europe conservatrice toute entière. Mais ils risquent de lâcher prise. Franco les libère au soir du 27 septembre. "Desormais -déclare-t-il- la guerre est gagnée". Pendant ce temps Kindelan et l'un des frères du général victorieux, Nicolas Franco, travaillent à un brouillon de décret définissant les compétences du comandant suprême. Dans leur texte, celles-ci sont à la fois civiles et militaires, et telle est la proposition que l'un et l'autre entendent soumetre dès le début de la réunion du Comité de défense nationale.
Celle-ci se tient le 29 septembre, à nouveau dans les baraques de bois du terrain d'aviation de San Fernando. Les choses ont été bien préparés. Quelques centaines de phalangistes attendent Franco et clament son nom. Mais, affectant d'éviter ce qui pourrait apparaître comme une pression sur ses collègues, le généralissime ne vient pas. Il visite l'Alcazar de Tolède en compagnie de Moscardo, mitraillé par les photographes de la presse internationale sous le délire d'applaudissements de la foule. Hors de sa présence, Kindelan lit le projet de décret devant les généraux. L'article trois suscite leur désapprobation la plus vive. En effet, il stipule que "à la fonction du généralissime sera adjointe, pour la durée de la guerre, celle de chef de l'État, et à ce dernier titre, son autorité s'étendra sur toutes les activités nationales: politiques, economiques, sociales, culturelles". Se voyant peut-être lui-même chef de l'État après que Franco aura été confiné dans un rôle militaire, Mola mène cette fois l'opposition. Mais le déjeuner modifie à nouveau les attitudes, pour des raisons inexpliquées. Dans l'après-midi, un compromis débouche sur un texte nouveau. "Suivant la résolution adoptée par le Comité de défense nationale -précise son premier article- Son Excellence Don Francisco Franco a été nommée chef du gouvernement de l'État espagnol et assumera tous les pouvoirs du nouvel État pour la durée de la guerre". Afin de permettre à Cabanellas de sauver la face, deux jours lui sont laissés pour signer le décret.

Franco y Moscardó en el Alcázar de Toledo

De toute manière, le futur Caudillo n'est, au regard de ce texte, que le Premier ministre d'un régime sans magistrat suprême. Chacun imagine que cette place éminente reste vacante au bénéficiaire du roi Alphonse XIII, qui n'a pas renoncé au trône et dont le retour ne saurait tarder. Franco s'accommode de cette ambiguïté mais reprend l'avantage dès le 1er octobre. La cérémonie de son intronisation a lieu ce jour-là dans la salle du trône d ela capitainerie générale de Burgos. C'est là qu'il effectue son coup d'État dans le coup d'État. Lu solennellement devant les dignitaires militaires, civils et religieux, le texte du décret fondateur de la dictature ne fait pas allusion au "pour la durée de la guerre". Grâce à cette omission, le généralissime s'arroge un pouvoir illimité dans sa portée aussi bien que dans sa durée. Au même instant, Franco manifeste en outre que la page des arrangements provisoires et révocables est définitivement tournée. Le discours qu'il prononce au cours de la cérémonie ne dit mot d'une restauration de la monarchie. À l'inverse, il annonce que le nouveau régime "organise dans le cadre d'une large conception totalitaire". Et, comme pour enfoncer le clou, Franco publie quelques heures plus tard sa première disposition en la paraphant non pas en tant que chef du gouvernement mais comme chef de l'État.
Habilité supplémentaire, ce décret démilitarise le pouvoir. En effet, il crée une Juste technique dont les membres sont pour la plupart des civils de second plan appelés à jour le rôle de ministres. Stupéfaits, les généraux n'ont plus qu'à rentrer dans le rang. Cabanellas doit accepter le poste honorifique d'inspecteur général de l'armée, tandis que Mola et Orgaz se trouvent réduits à commander respectivement le front nord et le front sud. Franco s'installe d'un trait de plume en s'arrogeant une légitimité qui dépasse la simple cooptation entre militaires factieux. À juste titre, la date du 1er octobre 1936 sera retenue dans les annales du régime franquiste comme celle de sa naissance. L'État qui prend forme à partir de ce moment est bien le produit de la duplicité de l'homme "providentiel" qui le taille graduellement à sa mesure. Si Franco s'attache à organiser la victoire, il va le faire sans hâte excessive. Il lui faut laisser mûrir son prestige et asseoir son pouvoir.

 
Franco en Tetuán dirigiéndose a la población en los primeros días de la sublevación

Dans cette perspective, le chef de l'État national persiste dans les mois suivants dans sa pratique d'autoconfirmation de sa suprématie politique. Surtout, il ne cesse de perfectionner sa tactique du diviser pour régner, opposant et bernant les militaires et les civils aussi bien que les fascistes et leurs adversaires monarchistes ou catholiques. Servie avant terme par la mort du général Sanjurjo, la consolidation de son pouvoir se voit facilitée aussi par la disparition rapide de José Antonio Primo de Rivera. Leader des phalangistes, celui-ci est fusillé le 20 novembre par les républicains dans sa prison d'Alicante. Débarrassé d ela sorte de l'unique grande figure civile capable de rivaliser avec lui, le Caudillo bénéficie enfin d'une dernière chance accidentelle. Son seul challenger militaire, le général Mola, s'efface à son tour le 3 juin 1937, lorsque son avion s'écrase près de Burgos. Nul rival ne peut désormais le menacer sérieusement. Il ne reste plus au Caudillo qu'à rendre son autorité officiellement irrévocable et permanente, au-delà de la durée de la guerre, par des lois qu'il promulgue de sa propre initiative le 30 janvier 1938 et le 8 août 1939.

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